SE PRÉPARER À IMPROVISER

07.01.20 02:12 AM Par Véroushka Eugène

J’ai pendant très longtemps détesté et craint l’improvisation. Surtout l’improvisation dirigée où un thème est imposé (ou pire, une musique!). C’est le moment que choisit mon cerveau pour allumer tous ses feux et se mettre à cent mille kilomètres à l’heure tandis que mon corps, lui, passe en mode paralysie ou gaucherie. Cet exercice peut être très éprouvant pour qui ne le pratique pas souvent.

Depuis peu, j’ai testé (et détesté aussi haha!) ‒ et je teste encore ‒ plusieurs méthodes, dont certaines marchent mieux que d’autres en ce qui me concerne. Toutefois, j’ai découvert des chemins qui, dès que je les emprunte, me conduisent immanquablement au bon endroit. Ces techniques, si elles ne se révèlent pas incontestablement gagnantes pour tous, peuvent cependant (à mon avis !) permettre de se débarrasser de certaines des couches qui nous bloquent. Attention, réussir une fois n’est pas une garantie à vie! Je n’ai pas fini d’y travailler et je continue à en découvrir plus. Mon titre l'indique, improviser ne signifie pas nécessairement laisser au hasard! Voici quelques réflexions-conseils :

1- Nourrissez votre vocabulaire

Le grand risque, qui est aussi la grande frustration ‒ autant pour nous que pour ceux qui nous regardent ‒ est de répéter des «patterns» de mouvements. Ces derniers sont les mouvements qui nous viennent naturellement de par notre bagage, des chemins auxquels nous avons le plus rapidement accès à travers notre corps. Fort heureusement, à force de mettre en pratique notre art, nous élargissons nos possibilités. Une bonne improvisation requiert paradoxalement une bonne préparation. Plus de pratiques et d’occasions d’exploration donnent plus de liberté et de choix.

2- Ne vous demandez surtout pas à quoi vous ressemblez et ne vous dites surtout pas que vous êtes impressionnant.

C’est simple: plus vous pensez, moins vous dégagez. Moins vous dégagez, moins on vous remarque, moins on s’intéresse à ce que vous dites.

3- Connectez-vous à quelque chose.

Ce peut être votre public, vos propres émotions du moment, l’histoire que vous voulez raconter, vos membres et vos sens, ou encore ce que vous inspire la musique (s’il y a lieu). Quoi que vous choisissiez, ancrez-vous dans le présent et partagez.

Dans toute improvisation, il faut savoir faire des choix. Il faut des intentions. Nous nous concentrons souvent sur nos choix de mouvements, mais pensons de préférence que, comme les mots, ces derniers sont des outils, des accessoires au service d’une intention. De fait, que vous choisissiez un mot ou son synonyme, l’idée restera la même. Mais si vous laissez de côté ou perdez de vue votre intention… vous ne direz ni ne ferez rien d’utile pour vous ou pour votre spectateur.

«Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément», a dit Nicolas Boileau. Pourquoi pas en danse? Exécuter trop de mouvements reviendrait à parler la langue de bois: on vous regarde, on trouve ça beau mais sans substance. Vous ne touchez personne. Parallèlement, un regard seul, dans le silence et l’immobilité, peut faire vibrer votre spectateur au plus profond de ses entrailles. Telle est la force de l’intention.



Véroushka Eugène

Rédigé le 9 octobre 2018